Matériau controversé, le verre – immatériel, irréel, mais aussi non architectonique – est un composant indispensable de l’architecture contemporaine. Des bâtiments gigantesques sont dématérialisés par des façades entièrement vitrées où se reflètent les abords, alors que les espaces intérieurs ne sont, eux, guère plus visibles de l’extérieur que ceux d’une citadelle. Ce caractère impénétrable et anonyme ne s’abolit souvent que le soir ou la nuit, lorsque les lumières s’allument. Le verre signifie transparence, lumière, enveloppe impondérable.
Le présent numéro d’Art + Architecture se penche sur les différents aspects et emplois de ce matériau qui « se fond comme aucun autre avec le monde ». Nous nous sommes demandé comment la notion de transparence influe, en tant que déterminant culturel, sur l’architecture des entreprises. L’emploi du verre dans les édifices historiques et la propagation des installations solaires respectueuses de l’environnement – la plupart du temps composées d’éléments vitrés – dans le sillage de la « Stratégie énergétique 2050 », sont d’autres sujets abordés dans les pages qui suivent. A cet égard, il apparaît que des solutions esthétiquement convaincantes sont, grâce à des travaux de recherche menés en Suisse, en passe de se concrétiser.
Essay | Essai | Saggio
Matthias Noell
Ins Kristall bald dein Fall
Das Glas in der Architektur der Moderne
Résumé
Le verre dans l’architecture moderne
L’histoire du verre en architecture est aussi celle de l’amour-haine porté par la profession à un matériau fabuleux, mais foncièrement non architectonique, sans lequel l’architecture resterait certes concevable d’un point de vue purement structurel, mais semblerait néanmoins difficilement imaginable aujourd’hui. Le verre divise les esprits du fait de sa transparence – à laquelle ont été élevés de véritables hymnes – et de son incapacité à apporter une contribution essentielle à l’architecture sur le plan constructif. Le topos de son immatérialité masque le fait que le verre, loin de toujours évoquer la fusion entre intérieur et extérieur, a plutôt tendance à en souligner l’altérité. Le verre permet avant tout le passage plus ou moins libre de la lumière – un aspect qui a radicalement modifié la perception de l’espace architectural à partir du XIXe siècle. Ainsi les visiteurs du Crystal Palace, littéralement éblouis par une telle surabondance de lumière, ont-ils cherché à verbaliser leur impression d’irréalité. Mais le verre est-il vraiment transparent? L’ambivalence du matériau, l’impossibilité de cerner ses caractéristiques de façon univoque, ont toujours donné lieu, tant dans la littérature que dans la théorie architecturale, à des descriptions poétiques et métaphoriques qui n’ont cessé d’influer, en retour, sur la pratique du projet.
Dossier 1
Valérie Sauterel
Entre ciel et terre
Les vitraux de la chapelle Notre-Dame-du- Perpétuel-Secours
Résumé
Les vues célestes de l’artiste genevois Christian Robert-Tissot pour la chapelle Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours répondent avec maestria à la modernité et l’audace de l’architecture sphérique de l’église de la Sainte-Trinité de l’architecte Ugo Brunoni. Alliant nouveauté technique et esthétique contemporaine, ces vingt-sept vitraux s’unissent à l’architecture pour permettre la rencontre de Dieu et des fidèles dans un lieu de célébration et de communion tourné résolument vers l’avenir.
Dossier 2
Simon Baur
Glas als Kommunikationsstrategie?
Firmenarchitektur und die Sorge um Transparenz
Résumé
Le verre comme stratégie de communication ?
Le verre est toujours plus répandu dans l’architecture des entreprises, à la fois comme matériau de construction et comme moyen de communication. Le concept de transparence, véritable déterminant culturel du XXIe siècle, joue à cet égard un rôle de premier plan – comme s’il répondait aux besoins d’une époque où les relations sociales sont devenues d’une complexité difficile à appréhender. Depuis le bâtiment Forum 3, sur le campus de Novartis à Bâle (Diener & Diener en collaboration avec Gerold Wiederin et Helmut Federle), jusqu’à la Prime Tower de Zurich (Gigon et Guyer), en passant par le bâtiment administratif de Ricola à Laufon (Herzog & de Meuron) et le bâtiment Vitra des mêmes architectes à Weil am Rhein, en Allemagne, l’analyse de quelques façades vitrées contemporaines emblématiques fait ressortir une grande diversité d’approches. Alors que dans certains exemples, le verre fait office de manteau protecteur, il permet dans d’autres aux collaborateurs de manipuler la façade, ou joue de la transparence comme d’une fiction. Un phénomène encore très peu abordé révèle les aspects négatifs de l’architecture de verre : chaque année, ce sont, en Suisse, près d’un million d’oiseaux qui se brisent la nuque contre les immenses surfaces vitrées de telles façades. Aucune évolution ne se dessine du côté des architectes.
Dossier 3
Moritz Flury-Rova
Das Mass von Glas
Gedanken zur «Verglasung» historischer Bauten
Résumé
Réflexions sur l’adjonction d’éléments vitrés dans les édifices historiques
Même de minimes transformations suffisent souvent pour éroder la substance originale des édifices historiques. Or, dans l’actuel débat relatif au gaspillage du sol, à la densification urbaine et au tournant énergétique, on a tendance à oublier le caractère unique et irremplaçable de ces ouvrages. Les fenêtres ne sont pas seulement l’un des éléments les plus utiles pour rattacher un bâtiment à un courant stylistique donné, elles disent aussi quelque chose des « valeurs intérieures » dont il est porteur. Ce qui peut se révéler tout à fait judicieux dans une nouvelle construction représente souvent, dans un édifice ancien, une atteinte douloureuse. Non que toute transformation soit a priori malvenue ; il se peut qu’un édifice à l’histoire riche et complexe revête, de ce fait même, une valeur monumentale particulière. Néanmoins, on assiste, sur les toits, à la multiplication des fenêtres supplémentaires et des capteurs solaires. Or, où convient-il vraiment de poser de telles installations ? S’il est réjouissant de constater que des réponses viables aux nouveaux défis énergétiques et climatiques se sont développées ces dernières années, on ne saurait les appliquer comme des recettes universelles, susceptibles d’être prescrites à n’importe quel ouvrage historique. S’il est vital, pour les générations futures, que nous adoptions un comportement écologique, il est tout aussi primordial que nous leur léguions des témoins authentiques de notre histoire commune. Le patrimoine bâti ne représentet- il pas, lui aussi, une ressource rare ?
Interview | Interview | Intervista
Zara Tiefert-Reckermann
Zum Spannungsfeld von Photovoltaik und Denkmalpflege
Energiedebatte, Innovationen und der Schutz von Kulturgütern
Der Vormarsch umweltfreundlicher Solartechnologien – also Objekten aus Glas – führt oft zu Kontroversen beim Einsatz auf historischer Bausubstanz. Dennoch: Sowohl der Schutz von Kulturgütern wie das Erreichen anspruchsvoller Energieziele stehen grundsätzlich nicht im Widerspruch. Zwei Gespräche mit Experten – dem Denkmalpfleger Peter Omachen und dem Forscher Patrick Heinstein von der ETH Lausanne – zeigen die ganze Palette möglicher Antworten auf drängende Fragen.
Dossier 4
Giulio Foletti
Due «fabbriche del vetro» settecentesche
Le vetrerie di Lodrino e Personico
Résumé
Les verreries de Lodrino et Personico
L’article illustre un chapitre singulier de l’histoire économique, sociale et technologique du canton du Tessin. Il résume les événements qui ont émaillé l’histoire de deux verreries créées au XVIIIe siècle dans la vallée de la Léventine et dans le district de Riviera. La première « fabrique de verre » voit le jour en 1736 à Personico et cesse son activité en 1829 ; la seconde, construite à Lodrino en 1782, fermera définitivement ses portes en 1869. Ces verreries utilisaient le bois des vallées qui débouchent sur les deux localités et, comme matière première pour la production du verre, le quartz et le sable siliceux de la région. Meinrad Siegwart, qui, avec d’autres membres de sa famille, avait travaillé dans les entreprises de Flühli et de Hergiswil, fut employé dans les deux verreries tessinoises ; les autres ouvriers spécialisés provenaient surtout des régions germanophones.
Dossier 5
Jörg Matthies
Orangerien und Gewächshäuser am Thunersee
Preussische Herrschaften mit Faible für Exotisches
Résumé
Orangeries et serres des bords du lac de Thoune
Orangeries et serres sont des éléments essentiels des jardins historiques. Elles faisaient partie intégrante du concept d’aménagement global des châteaux et jardins attenants et représentaient souvent, à leur époque, de véritables défis techniques. Si les orangeries et serres de la partie supérieure du lac de Thoune ne se présentent certes pas, au premier abord, comme des ouvrages spectaculaires, elles n’en présentent pas moins des détails d’une grande richesse décorative, tels qu’éléments de style chalet suisse et chapiteaux, poignées de portes et de fenêtres et autres ferrures en fonte. Sans doute les quatre maîtres d’ouvrage de Schadau, Oberhofen, Hünegg et Spiez connaissaient- ils bien les châteaux de Potsdam et influèrent-ils sur la conception des constructions et des parcs. Les orangeries et serres sont presque toujours en relation avec les autres bâtiments d’exploitation et la maison du jardinier, avec lesquels elles forment un ensemble digne d’être protégé. Ces ouvrages ont valeur de monuments et confèrent une note bien particulière au paysage culturel des bords du lac. Pour les restaurer dans les règles de l’art, la constellation idéale est une collaboration interdisciplinaire entre historiens des techniques et de l’architecture des jardins, botanistes et conservateurs du patrimoine.
Fotoessay | Essai photographique | Saggio fotografico
Aussenhaut und Glas – ein Notat
Neben Mauern und Türen, fast allen Behausungen eigen, beschäftigte ich mich früh mit Fensterglas. Es war eine Fläche, die Durchlässigkeit versprach. Hier öffnete sich ein Bau, offerierte fast so etwas wie Transparenz. Wer innen verweilte, hatte Verbindung zum Aussen. Wer von draussen neugierig ans Glas herantrat, sah das verborgene Innere. Licht fiel ins Dunkel und «belichtete» das Raumgefüge. Hier ein Sonnenflecken, dort eine Spiegelung. An dieser Schnittstelle kamen mir manche Parallelen zum Kamerakorpus in den Sinn. Breite Fenster, beste Raumhelligkeit. Grosse Blende, viel Licht auf Zelluloid. Glas war schon von weitem eine Eröffnung. Glas als Luke, so auch die Etymologie. Sowohl die Analogkamera als auch die Digitalkamera blieb übrigens dieser Luke verhaftet – dem kleinen Ausguck (und Einblick). Der Vergleich mit der Kamera endet bei vollends glasbeschichteten Häusern. Nun zählten Silikatgläser zur Bausubstanz. Sie dominierten die Aussenhaut. Und es ging in schwindelerregende Höhen. Erstmals nahmen mich die Superlative in Los Angeles gefangen, später geschah es in San Francisco, New York, Las Vegas. Riesige Glasflächen, die Würfel, Quader, Kegel, Zylinder, Kuben wie Gelatine überzogen. Klassizistische Baukörper, wie noch zu Kafkas Zeiten, waren mutiert. Der Blick in die Höhe wie die Fahrt auf Eis. Eisglatt. Sogar der Schatten war weg. Lehm, Stein, Zement, Stahl waren ins Innere gekippt. Fast unsichtbar, stützten sie von dort die Aussenhaut. Vor den modernen Glastürmen, egal wo ich sie sah, packte mich oft eine gewisse Unruhe. Es war die ewige Suche nach dem sogenannten Dahinter. Sich nicht blenden lassen … Nur wer hineingeht in die Baukörper, kann abwägen, ob innen das gilt, was nach aussen gezeigt wird und neu den gesellschaftlichen Diskurs prägt: Transparenz. Glas ist ein Versprechen. Glas fordert. Christian Scholz
Aktuell | Actuel | Attualità
NNicole Bauermeister, directrice de la SHAS
Billet de la direction
Bienvenue à l’Association suisse des historiens et historiennes de l’art !
Depuis le début janvier 2014, la Société d’histoire de l’art en Suisse abrite, dans ses locaux de Pavillonweg 2, à Berne, le secrétariat général de l’Association suisse des historiens et historiennes de l’art.
Interview KdS | Interview MAH | Intervista MAS
«Die Kunstdenkmäler der Schweiz»
Interview mit Dr. Andreas Spillmann, Direktor des Schweizerischen Nationalmuseums.
Focus
Peter Röllin
Goldzack-Halle in Gossau SG
Robert Schiess / Dr. Bernhard Christ
Ein Fussgängersteg vor der Grossbasler Rheinfront?
Impressum | Impressum | Colophon
Prix: CHF 22.50
Prix pour les membres de la SHAS: CHF 20.00
Illustrations: 107
Nombre de pages: 80
Série: Art + Architecture
Lieux: Schweiz / Suisse / Svizzera
Auteurs: Diverse
Numéro d’article: K+A 2014.1
Langue: Allemand, Français, Italien
Date de parution: 08/04/2014
ISBN: 978-3-03797-128-4
Edition: Société d’histoire de l’art en Suisse